Musée et collections de paléontologie
Histoire de la géologie à Marseille
Des origines à la Première Guerre mondiale
Après la fondation même de la faculté des Sciences de Marseille, sur la Canebière, par décret impérial du 22 août 1854, comportant seulement quatre chaires, la cinquième, dénommée géologie et minéralogie, fut créée en 1858.
Le premier titulaire désigné était un aixois : Henri Coquand ; mais, détail savoureux le premier étudiant ne se présenta à lui que cinq ans plus tard ! Cependant, le maître venait de mettre fin à sa carrière universitaire, au profit de missions scientifiques à l'étranger.
Devant ce peu de succès auprès des jeunes, un zoologiste, Jean Lespes, osa succéder à Henri Coquand en 1864. Il eut fort heureusement, avant de décéder en1872, un élève de premier plan : Fortuné Marion, le célèbre fondateur de la station marine d'Endoume – un amphithéâtre porte aujourd’hui son nom au site Saint-Charles.
Le troisième titulaire fut Louis Dieulafait. En 1880, parmi quelques élèves, l'un d'eux a laissé sur son professeur cette impression estudiantine : — Abord facile, rond de manières, pas très bon parleur, mais homme bienveillant.
Il faut arriver à 1886 pour que la chaire qui végétait se transformât sous une flambée : celle qu'activa, malheureusement deux années seulement, le futur doyen de la faculté des Sciences de Lyon, Charles Depéret. Malgré sa sévérité – neuf candidats sur 12 collés à l'examen –, ce savant fut très regretté quand il désigna lui-même son successeur, déjà fort connu en Sorbonne : Gaston Vasseur, véritable savant qui illustra la chaire de 1886 à 1915.
Grand réalisateur, ce géologue nous a laissé, entre autres, la majeure partie des splendides collections de vertébrés fossiles de Provence et d'Aquitaine, conservées d'abord à la Faculté puis transférées au muséum d'histoire naturelle de Marseille. Il publia 18 feuilles de la Carte Géologique de la France au 1/80000, fut directeur du muséum du Palais Longchamp et de 1895 à 1912, sur une douzaine d'étudiants chaque année, il réussit à former dix professeurs de l'enseignement supérieur.
L'entre-deux guerres
Le préparateur de Gaston Vasseur : Joseph Répelin, lui succéda après la tourmente de 1914–1918. Il effectua le transfert du laboratoire et des collections de la Canebière à Saint-Charles. Son œuvre fut très féconde, et comme les étudiants n'abondaient toujours pas – 15 en Géologie sur les 600 de la Faculté en 1928 –, il eut surtout le temps de se consacrer à des études sur le terrain et au classement des collections du palais Longchamp, dont il fut le Conservateur.
Atteint par l'âge de la retraite en 1931, Joseph Répelin tel un vénérable aïeul fut, dès le 19 novembre 1932, le guide de son successeur : Georges Corroy. Lorrain d'origine, élève du grand géologue Paul Fallot, membre de l'institut, ce brillant et ambitieux professeur donna un nouvel élan à la chaire de géologie.
1933 ! Départ de l'essor numérique de la faculté : 700 étudiants inscrits au total. Sur ce chiffre, 27 jeunes gens et jeunes filles se présentèrent au certificat de géologie, curieux de voir la tête du professeur Bizuth, comme l'apprît Georges Corroy de la bouche de l'un d'eux.
De la fin de la Seconde Guerre mondiale aux événements de mai 1968
La courbe des effectifs étudiants chuta bien entendu au cours des années de la deuxième guerre mondiale – neuf étudiants en géologie en 1944. Dès 1950, elle atteignait cependant à nouveau 30 étudiants ; puis les années suivantes, 48, 57, 80. Pour le centenaire de la chaire (1958) 135, tandis que la faculté en comptait 3650. À partir de cette époque, la courbe fut ascensionnelle. Citons quelques chiffres exemplaires :
1960 Faculté : 5482 – Géologie : 230
1962 Faculté : 6915 – Géologie : 234
1964 Faculté : 8737 – Géologie : 396
1966 Faculté : 8775 – Géologie : 367
Devant une telle croissance, la chaire qui ne comportait en 1940, comme en 1858, qu'un professeur, un préparateur, un garçon, ne pouvait se développer. Des créations furent accordées, timidement d'abord, après la seconde guerre mondiale. En 1950, un poste de chef de travaux et un d'assistant, puis d'autres, qui permirent d'entreprendre les aménagements de deux laboratoires nouveaux : géologie appliquée et pétrographie, tandis qu'à la Station d'Endoume pouvait s'ouvrir un laboratoire de Géologie Marine.
1957, une maîtrise de conférences de géologie appliquée – titulaire Claude Gouvernet, auquel succéda Gérard Guieu en 1975 vit le jour. 1958, une de géologie historique – Suzanne Taxy. 1961, la chaire d'origine était dédoublée en géologie générale – Georges Corroy – et en minéralogie, avec l'arrivée dans cette dernière du Doyen Louis Royer, de la faculté des Sciences d'Alger.
En 1967, les laboratoires étaient dotés de six directeurs. Ils étaient entourés d'une cinquantaine de collaborateurs et collaboratrices dont les thèses de paléontologie, de stratigraphie et de tectonique contribuèrent notablement à une meilleure connaissance de la géologie de la Provence.
Les événements de 1968 précipitèrent l'émiettement des sciences de la Terre à Marseille. Il faut dire que l'éclosion de pôles universitaires hors-murs (Saint Jérôme, Luminy) s'accompagna de la création de nouveaux laboratoires de recherche.Ces derniers suivirent naturellement l'évolution politique des centres universitaires auxquels ils étaient rattachés. Ainsi, dès 1970, les sciences de la Terre se trouvèrent éclatées dans les trois universités marseillaises tout nouvellement créées. Une spécialisation scientifique s'organisa cependant tant bien que mal avec la stratigraphie, la paléontologie et la géologie appliquée à Saint-Charles (Aix–Marseille I), la géologie structurale, la minéralogie et la pétrographie à Saint Jérôme (Aix–Marseille III), la géologie marine et la géologie du Quaternaire à Luminy (Aix–Marseille II). Les sciences de la Terre donnèrent même aux autres disciplines scientifiques l'exemple d'une collaboration interuniversitaire, en délivrant de concert, et ce jusqu'à l'avènement du système licence–master–doctorat (LMD), une seule licence et une seule maîtrise de sciences de la Terre.
La période contemporaine
Retour sur le laboratoire d'origine. Dès 1975, en réponse aux changements intervenus, le nouveau Directeur (Jean Philip) oriente les recherches du laboratoire sur les paléoenvironnements de plate-formes carbonatées. Suit rapidement une association avec le CNRS, d'abord sous forme d'une recherche coopérative sur programme, puis d'une jeune équipe, enfin d'une unité associée. L'industrie pétrolière s'intéresse de près à ces thèmes de recherche novateurs et apporte son soutien financier au laboratoire ainsi qu'à ses jeunes doctorants. En 1995, Lucien Montaggioni prend la direction du laboratoire – incluant l'équipe CNRS de l'UMR 6019 – en y impulsant une nouvelle direction de recherches sur les récifs actuels et quaternaires.
1996 voit l'achèvement de la rénovation extérieure des bâtiments du site Saint-Charles de l'université de Provence bientôt suivie par celui de la réhabilitation intérieure (2001). Entre temps, l'université aménage des locaux pour abriter les riches collections de paléontologie (1999) ; à l’initiative de Jean Philip, alors directeur de l’UFR Sciences de la vie de la Terre et de l’environnement, le musée de paléontologie est créé. Il s'ouvre dès lors aux étudiants, aux scolaires et au grand public. Avec la nomination de Jean Borgomano à la direction du laboratoire (2004), les recherches sur les récifs et les plates-formes carbonatées prennent une direction nouvelle. Bien que toujours dévolues à la stratigraphie, à la sédimentologie et à la paléontologie, elles s'étendent maintenant à la modélisation des réservoirs et des systèmes carbonatés.
Dans le même temps, l'effectif du laboratoire s'est étoffé : cinq professeurs, trois directeurs de recherche, neuf maîtres de conférences, un chargé de recherche, neuf membres des personnels technique et administratif, une dizaine de Doctorants.
C'est donc une équipe dynamique et créative, qui s'apprête à célébrer en 2008 le 150e anniversaire de la création du laboratoire de géologie de la faculté des Sciences de Marseille.
La grande fusion
Le 1er janvier 2012, les trois grandes universités d’Aix-en-Provence et de Marseille : l’université de Provence (Aix–Marseille I), l’université de la Méditerranée (Aix–Marseille II) et l’université Paul Cézanne (Aix–Marseille III) fusionnent pour devenir Aix–Marseille université. Avec près de 75000 étudiants, 4100 administrés, 4270 enseignants–chercheurs et un budget de 722 M euros, Aix– Marseille université (AMU) devient la plus grosse université francophone du Monde.
De cette fusion, de nombreux laboratoires se regroupent et c’est ainsi que le laboratoire de géologie des systèmes et des réservoirs carbonatés (GSRC) est intégré dans le laboratoire Cerege UM 34 – centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement ; directeur Nicolas Thouveny. Les différents enseignants–chercheurs et chercheurs se répartissent au sein de deux thèmes principaux de recherche – systèmes et réservoirs sédimentaires (SRS) et variabilité environnementale et impact sur les écosystèmes (VIE) – et les collections de paléontologie et de géologie tout comme le musée de paléontologie, gérés par des membres du Cerege, entrent dans le patrimoine scientifique d’Aix–Marseille université.
Conclusion
Ainsi, s'est édifiée au fil des ans une école de géologie marseillaise orientée vers la stratigraphie, la paléontologie et la sédimentologie. La géologie des terrains sédimentaires – et singulièrement celles des formations calcaires – a tenu une place de choix dans les études développées par le laboratoire de géologie, en raison sans doute de l'exceptionnelle qualité et de la facilité d'accès des modèles de terrain provençaux. Ces recherches sur les séries carbonatées ont débouché tout naturellement sur des applications à la géologie pétrolière. Cette dernière a constitué longtemps et demeure encore l'une des principales voies de recrutement des étudiants du laboratoire.
C'est l'une des grandes réussites du laboratoire de géologie de la faculté des Sciences de Marseille que d'avoir œuvré à la création d'autres unités de recherche et d'enseignement dans la région provençale : les sciences de la Terre des universités d'Aix–Marseille II et III, celles des universités de Nice et de Toulon ont écloses grâce à l'apport de personnel issu du laboratoire d'origine.
Sources
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Corroy G. (1967) – Les sciences de la Terre à la faculté des Sciences de Marseille de 1858 à nos jours. Marseille. Revue Municipale. Troisième Série, no 66, 5–10.
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Collectif (1996) – Une institution et des hommes : l'ancienne « nouvelle faculté » des sciences de Marseille en 1922. Publications de l'université de Provence.
Construction du bâtiment de sciences naturelles du site Saint-Charles d’Aix–Marseille université en 1911. © Une institution et des hommes
Le bâtiment de sciences naturelles du site Saint-Charles d’Aix–Marseille université en 1922.
© Une institution et des hommes
Les collections de paléontologie en 1922. © Une institution et des hommes
Aile ouest du bâtiment de sciences naturelles après sa rénovation en 1996